Un soleil orange
Inonde les cyprès, les colonnes antiques
Et l’allée aux pavés déchaussés.
L’inévitable lumière du soir
Recouvre de sa mélancolie la ville du passé.
Descend patiemment sur son unique voie.
Elle traverse le temps, les formes et les rires disparus.
Malgré son éclatante force, sa rondeur dit sa fin.
Le savoir, l’être.
Fini les mots, fini le corps et la matière.
Droite infinie et fière, l’allée centrale semble dégagée,
trompée par l’ardeur du jour
qui s’impose comme un dernier cri.
Tout autour d’elle les marques du passé se sont entassées
Dans un amas de pierre et de végétation.
Les ombres s’insinuent déjà partout, doucement,
S’allongent derrière les êtres
d’un monde prêt à basculer.
Elles se cachent et elles attendent.
Une ombre sans son double,
que le soleil a déjà avalé,
avance vers l’astre.
Silhouette solitaire, indistincte.
Sortie de nulle part, avance.
Sur la ligne tracée, avance.
Mouvement inlassable et lent.
Ce qui reste de vivant.
Les cyprès surplombent la scène,
Accompagnent de leur souffle
La forme en mouvement si lointaine.
L’ombre seule et sans visage
Sous le regard du monde, marche.
Et son être devient point de convergence.
Lieu du dernier battement de vie.
Dernière présence, dernière folie.
Elle s’enfonce dans la fin du jour
et dans l’eau qui soudain lui fait face.
Simple flaque qui avale son pied, puis le reste.
Son corps bientôt disparaît.
Et tout bascule,
la marre devient mer, qui devient océan.
La ville inondée n’a personne à évacuer.
Nouvelle vie pour les ruines immergées.
La nuit océanique recouvre tout
Et le rêve s’étend plus profond,
Endormissement.
Un mouvement bleu berce l’espace.
Oscillation des algues
Danse sans fin de l’eau et des êtres
Qu’elle enveloppe.
Un banc de poissons étoilés
Accroche le regard qui le suit
Et reste suspendu au ciel.
L’océan devient univers.
Aller sans retour, petite apocalypse
La lumière blanche des astres perce encore pour l’instant
Mais le temps et la matière pour de bon disparus,
Laissent place au mouvement, unique présence.